Fatima Boyer, Présidente du Collectif du Patrimoine des Comores a reçu la médaille de Chevalier des Arts et des Lettres, le 3 avril 2018 dans les locaux du Ministère de la Culture et de la Communication, 6 Rue des Pyramides à Paris.
Cette médaille est décernée à des personnes qui se sont distinguées dans domaine de la Culture. Sont récompensés en général, des écrivains, artistes, directeurs de galeries, etc.…
C'est au titre de l'action que mène Fatima Boyer pour la défense du patrimoine des Comores qu'elle a reçu cette distinction des mains de monsieur Bruno Favel, Chef du département des affaires européennes et internationales au Ministère de la Culture et de la Communication. Ce même département octroie, depuis deux ans, les subventions qui permettent l'actuelle restauration de l'Ujumbé.
Au cours de son allocution, monsieur Bruno Favel a souligné l'importance du sauvetage de ce « vestige de l'architecture palatial des sultans des Comores, bâtiment emblématique qui incarne l'histoire et le rayonnement [.] des sultanats. »
Dans sa réponse, madame Fatima Boyer a dédié cette médaille à sa mère Mabourhane et a tenu à associer à l'honneur qui lui ait fait les différentes personnes et institutions en France aux Comores qui soutiennent le Collectif du Patrimoine des Comores.
Elle a conclu en s'adressant aux autorités comoriennes pour leur demander de s'impliquer davantage dans le classement des sites de l'archipel au Patrimoine Mondial de l'UNESCO.
Parmi les personnes présentes à cette cérémonie, on notait notamment la présence de Son Excellence Ahmed Abdallah Sambi ancien Président de l'Union des Comores, monsieur Mohamed Ahmed Soulaimana, ambassadeur des Comores à Paris, monsieur Pierre BAILLET, Secrétaire permanent de l'AIMF, madame Isabelle Anatole Gabriel, directeur de l'Unité Europe et Amérique du Nord au Centre du Patrimoine mondial et monsieur STEHL David, représentant de l'Unité Afrique de l'UNESCO et les membres du Collectif du Patrimoine des Comores dont madame Françoise Coppens,la Vice Présidente du Collectif, actuellement Présidente de la Société des Africanistes.
Le rédacteur
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DISCOURS DE MADAME FATIMA BOYER
Monsieur le Chef du Département, honorables invités, chers parents et amis,
Cette cérémonie de remise de la médaille de Chevalier des Arts et des Lettres provoque en moi une intense émotion et représente une éclatante consécration.pour la cause que je défends.
Dans ces circonstances, je pense tout particulièrement à ma mère qui vit à Mutsamudu. Elle doit être fière et très heureuse. Je lui dédie cette médaille.
Permettez moi de m'adresser à mon amour, mon mari Bernard pour lui exprimer toute ma gratitude pour le soutien sans faille de mon engagement en faveur du patrimoine.
Enfin, je m'adresse à vous, monsieur FAVEL, ainsi qu'à vous, chère Caroline pour vous dire combien j'ai été touchée par les paroles qui viennent d’être prononcées. Je mesure l’importance de votre bienveillance et l’intérêt que vous et votre équipe portez à notre projet
Grâce à vous, monsieur FAVEL, notre association bénéficie des subventions du département des Affaires Européennes et Internationales qui ont permis au chantier de l'Ujumbé de redémarrer. Pour cela, je vous exprime toute ma gratitude ainsi que celle de la population de Mutsamudu.
Je suis heureuse de constater qu’en ce moment solennel, je suis entourée des personnes qui me sont chères : ma famille et mes amis, notamment ceux qui, au sein d’institutions, ont soutenu notre association pendant cette décennie.
Je remercie de leurs présences, Son Excellence monsieur AHMED ABDALLAH Sambi, ex Président de l’Union des Comores et Son Excellence monsieur Soulaimana MOHAMED AHMED, ambassadeur des Comores à Paris.
Permettez moi de décrire brièvement les principales étapes de notre aventure commune en soulignant la contribution de quelques bénévoles avec qui je partage aujourd’hui l'honneur qui m'est fait.
En 2004, un petit groupe de passionnés du patrimoine ayant ou non un lien avec les Comores ont constitué le noyau dur de notre association.
Parmi eux, il faut souligner le rôle de Pierre BLONDIN, architecte à Lille qui a été de toutes les missions.et dont les avis nous sont précieux. Grâce à lui, nous avons pu nouer un riche partenariat avec l’École Nationale d’Architecture de Lille où mesdames Suzane HIRSCHI et Chérazade NAFA ont su mobiliser leurs étudiants. Les missions de l’ENSAPL ont bénéficié de l’appui financier de l’Association Internationale des Maires Francophones (AIMF), représentée ici par son Secrétaire permanent, Monsieur Pierre BAILLET.
A l’UNESCO, dès le départ, notre interlocuteur principal a été Mme Elizabeth WANGARI, chef de la section Afrique au Centre du Patrimoine Mondial. Elle a su nous écouter et nous mettre sur la route du classement. Cette Unité est représentée à cette cérémonie par monsieur David STEEL.
Notre Vice Présidente, Madame Françoise COPPENS a apporté à notre association la vision et le recul d’une anthropologue chevronnée.
Au cours de ces années, notre association, a bénéficié de l’hospitalité de Christian et Bernadette BELHOTE qui ont hébergé nos réunions dans leur célèbre salle « Il Gran’ Opéra ». Plus tard, leur fille Hortense a ouvert notre champ d’action au domaine de l’art théâtral en allant assurer des missions de formation financées par l’ambassade de France à Moroni au bénéfice de jeunes acteurs anjouanais
Je souhaite citer également quelques personnalités qui nous ont fait profiter de leurs expertises dans les domaines de la communication, la stratégie et les réseaux sociaux. Il s’agit de Marc LANTERI, Patrick POTIER, René MAGES et Chloé TANACK
Enfin, je tiens à remercier la Mairie du 18ème arrondissement qui nous héberge dans sa maison des associations et qui est représentée à cette cérémonie par sa directrice, madame Patricia DUPPIN.
Un événement dramatique concernant le palais en 2008 (l’effondrement de son corridor) a eu pour conséquence la mutation de la nature même de notre association. Nous sommes passés brutalement du temps des études à celui de la réalisation
Le rôle du Président Sambi a été déterminant à ce moment clef. Il a pris la décision de surseoir à la démolition programmée de l’édifice. Grâce à cet acte, nous avons pu, de concert avec la Mairie de la ville et le Gouvernorat d’Anjouan, envisager son sauvetage. L’intervention du Président Sambi en faveur du patrimoine a concerné également la restauration de la citadelle de Mutsamudu qui est désormais gérée par l’association des jeunes de la ville.
Les premiers travaux de restauration du palais en 2011 ont été financés par le Fonds des Ambassadeurs des États Unis grâce au classement de l'Ujumbé sur la liste des monuments en péril de World Monument Fund. Ils ont été conduits par une équipe venue de Zanzibar, sous le contrôle bénévole de notre membre Louis NIZET et de l’ antenne du Collectif présidée par M. Caabi EL YACHROUTY.
En 2013, à l’issue d’une mémorable mission, monsieur Christian PIFFET , directeur générale de CHAM a accepté de prendre en charge ce chantier. Nous l’en remercions .
Notre objectif de rendre le palais à la population est, désormais, à notre porté grâce à la présence de CHAM à la conduite des travaux et le soutien du Ministère de la Culture, celui de la DAC OI sans oublier l’engagement financier de nos partenaires comoriens, les associations WEMA, NOUSRAT et le Comité des Femmes pour le Développement de la Ville de Mutsamudu.
Grâce à la reconnaissance que m'apporte cette médaille, j'espère vivement que notre message sera mieux entendu par les autorités comoriennes afin que le classement de nos sites deviennent une réalité. Dès lors, il sera possible d’envisager le sauvetage d’autres monuments de l’archipel également menacés de disparition.
Je voudrais finir mon propos par un quatrain de François CHENG qui pourrait être notre devise.
« Ne quémande rien. N'attends pas
D'être payé de retour.
Ce que tu donnes trace une voie
Te menant plus loin que tes pas »
Je vous remercie
Fatima Boyer
Article sur la cérémonie qui a été écrit par Faissoil, journaliste comorien
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DISCOURS DE MONSIEUR BRUNO FAVEL
Discours de Monsieur Bruno Favel
Chef du Département des affaires européenes et internationales
Ministère de la Culture et de la Communication
Remise de la médaille de Chevalier dans l'ordre des Arts et des Lettres.
À Mme Fatima Boyer
3 avril 2018
Madame Fatima Boyer,
Avec vous entrent dans cette pièce les odeurs et les saveurs entourant le palais de l’Ujumbé à Mutsamudu sur l’île d’Anjouan aux Comores, car vous savez si bien les évoquer qu’elles deviennent une réalité. Présidente depuis dix ans du Collectif du Patrimoine des Comores, vous déployez toute votre énergie qui est grande pour œuvrer à la restauration de ce palais oublié, un des derniers vestiges de l’architecture palatiale des sultans des Comores, bâtiment emblématique qui incarne l ‘histoire et le rayonnement dans cette partie de l’océan indien des sultanats qui s’y sont succédé entre le XVIème et le XIXème siècle.
Au départ rien ne vous prédispose à entrer dans cette périlleuse croisade si ce n’est le fait que vous êtes née à Mutsamudu dans une famille nombreuse. Vous perdez votre père très jeune qui fait promettre à votre mère que filles et garçons de la fratrie obtiendront tous le baccalauréat…. Ce qui sera fait…
Tout ce que vous avez fait jusqu’à maintenant est guidé par le sens de l’innovation, du dépassement des conventions, de l’audace, du courage, de la liberté et de l’entraide. Votre premier combat est celui d’une lycéenne qui pousse ses camarades filles à monter sur scène pour jouer les rôles féminins des pièces de Molière qui étaient jusqu’alors interprétées par des garçons grimés...
Bénéficiant d’une bourse de l’OMS pour faire des études d’assistante sociale à Abidjan, diplôme en poche, vous êtes recrutée par la Banque Africaine de Développement et sera la première comorienne à occuper un poste au sein de cette institution. De là, vous créez l’association Msaanda qui veut dire entraide en comorien, association qui s’occupe des enfants et des femmes de la région de Bambao aux Comores par l’envoi de livres, de fournitures scolaires et de médicaments.
C’est aussi à Abidjan que vous rencontrez votre mari Bernard. Vous partez ensuite en poste au Mali. Vous travaillez pendant une année au Consulat de France comme assistante sociale et vous participez activement sur son temps libre aux activités d’une association de femmes maliennes
Quand vous revenez en France en 2000, vous vous installez à Nice où vous continuez à exercer votre métier d’assistante sociale jusqu’en 2008.
À partir de cette date, s’apercevant que le développement s’appuie également sur le patrimoine et constatant l’abandon de monuments qui menacent ruine dans votre ville natale de Mutsamudu, vous lancez une Association pour la protection de la vieille ville avec des amis comoriens ou non puis le Collectif pour le patrimoine des Comores. A priori, vous ne connaissez pas les arcanes du patrimoine mais petit à petit avec enthousiasme et humilité, vous vous en appropriez. Vous collectez les fonds, recueillez les subventions nécessaires pour mener à bien cet immense chantier qui réserve au fil des saisons de restauration bien des surprises. Pour remplacer des poutres du palais fortement endommagées, votre association achète de nouvelles poutres en Tanzanie qui ne sont pas livrées… Pendant deux ans, vous bataillez pour les récupérer faisant intervenir l’ambassade des États-Unis…
Les travaux avancent et on en suit toutes les étapes, les tracas et les choix. Le suspense autour des modalités de l’allégement de la terrasse… Votre histoire est devenue la nôtre… Vous avez su mobiliser les énergies, fédérer les bonnes volontés en n’oubliant jamais que ce que vous faites c’est pour redonner toute sa fierté à un territoire et à une ville. Vous êtes devenue l’ambassadrice du patrimoine des Comores à nos yeux et, à ce titre, en vertu des pouvoirs qui me sont conférés par Madame le Ministre de la Culture, je vous fais Chevalier dans l'ordre des Arts et des Lettres.